Introduction
Le conte « Un cĆur simple » de Gustave Flaubert raconte les luttes internes et externes de la vie difficile de FĂ©licitĂ©. Bien que la qualitĂ© de vie de FĂ©licitĂ© se dĂ©tĂ©riore au fur et Ă mesure quâavance le rĂ©cit, son niveau de saintetĂ© augmente parce quâelle nâabandonne jamais sa piĂ©tĂ©. Ce qui conduit finalement Ă sa transcendance. Cependant, il ne sâagit pas dâune signification religieuse comme la plupart des critiques sây attendent, mais plutĂŽt dâun commentaire ironique sur celle-ci. MĂȘme sâil est gĂ©nĂ©ralement admis que ThĂ©odore et Victor reprĂ©sentent le PĂšre et le Fils, cela ne signifie pas que Loulou symbolise nĂ©cessairement le Saint-Esprit (Jehlen 86). Par consĂ©quent, lâobjectif de cette intervention est de se concentrer sur la maniĂšre dont tous les personnages, qui sont un objet de dĂ©sir de FĂ©licitĂ©, facilitent sa disparition Ă travers une analyse du rapport rĂ©pĂ©tĂ© entre sa piĂ©tĂ© et ses Ă©preuves. Donc, de cette maniĂšre, les objets de dĂ©sir ne signifient pas la sexualitĂ© (Heep 71), mais plutĂŽt quelque chose qui se fait cher sous toutes formes. Loulou est dans une catĂ©gorie indĂ©pendante de ThĂ©odore et Victor parce quâil la comble enfin comme ils nâont jamais pu, ou mĂȘme essayĂ©, de faire.
Enfin, mon analyse se divisera en trois parties sur les personnages les plus significatifs pour Félicité : Théodore, Victor, et le perroquet Loulou. Avec cette formule, on verra comment Flaubert amÚne progressivement le lecteur à se préparer à un personnage atypique comme Loulou pour que Félicité puisse atteindre sa sainteté.
Theodore
Dâabord, il est nĂ©cessaire dâexaminer la relation avec ThĂ©odore parce que, mĂȘme si cette relation se dĂ©roule trĂšs rapidement dans le conte, elle reprĂ©sente lâun des moments les plus cruciaux de sa vie. Sans ces promesses de fiançailles de la part de ThĂ©odore, FĂ©licitĂ© ni aurait jamais quittĂ© « la ferme, dĂ©clara son intention dâen partir [âŠ] et se rendit Ă Pont-lâĂvĂȘque » (15) ni serait jamais devenue la servante de Madame Aubain. Le lecteur sait quâelle est partie Ă cause de ThĂ©odore lorsque son « chagrin dĂ©sordonnĂ© » (15) suit immĂ©diatement aprĂšs avoir entendu parler de la vĂ©ritĂ© de son dĂ©part : ThĂ©odore « avait Ă©pousĂ© une vieille femme trĂšs riche... » (14) pour Ă©viter la conscription. Ces sentiments se juxtaposent Ă ceux de la page prĂ©cĂ©dente, oĂč « lâidĂ©e de servir lâeffrayait. Cette couardise fut pour FĂ©licitĂ© une preuve de tendresse » (14). Ce changement rapide de comportement souligne Ă quel point FĂ©licitĂ© souffre Ă force de ThĂ©odore. Ses promesses sâavĂšrent nâavoir aucune valeur. Elle quitte par nĂ©cessitĂ©. En tant que femme sans mari, ses ressources afin dâatteindre la mobilitĂ© sociale sont limitĂ©es, surtout aprĂšs la mort de ses parents. Son chagrin la motive Ă dĂ©mĂ©nager parce que « [âŠ] she had no reason to doubt the capacity of conventional language to authentically mediate thoughts and feelingsâ not, that is, until ThĂ©odoreâs betrayal left her wordless, grief-stricken, moaning » (Stipa 618) tout au long de la nuit. Le dĂ©mĂ©nagement est sa façon de recommencer Ă zĂ©ro car elle ne croit pas son mensonge. Cette premiĂšre dĂ©ception crĂ©e non seulement un ton sombre mais lui fait Ă©galement installer le travail difficile quâelle aura pour le reste de sa vie.
Dâautre part, chaque aspect de cette interaction renforce sa saintetĂ© car elle se consacre fidĂšlement Ă lui sans rien faire de moralement condamnable. Dans ce cas, FĂ©licitĂ© associe ThĂ©odore avec un dĂ©sir sexuel ; cependant, ce qui la rend plus pure est le fait quâelle ne commet jamais la souillure de lâadultĂšre. Bien quâon puisse soutenir quâil est impossible quâune femme se dĂ©voue entiĂšrement Ă un homme si elle nâa pas de relation sexuelle avec lui, au moins Ă partir du contexte historique, Ă cause de la possessivitĂ© envers les femmes Ă lâĂ©poque, câest toujours une question qui mĂšne lâarc narratif de ThĂ©odore. MĂȘme si cela nâarrive pas explicitement, on peut remarquer cette idĂ©e exacte dĂšs que ThĂ©odore se prĂ©sente dâabord dans le rĂ©cit quand il essaie de violer FĂ©licitĂ© : « Au bord dâun champ dâavoine, il la renversa brutalement. Elle eut peur et se mit Ă crier » (13). Pourtant, « Il sâĂ©loigna » (13). Dans lâarticle de Harmut Heep, il affirme que « the issue of rape has conveniently been elided » (72), afin dâignorer les stĂ©rĂ©otypes de genre nĂ©gatifs que ThĂ©odore renforce par sa brutalitĂ©. Mais, ce nâest pas vrai. Lâagression est la raison pour laquelle FĂ©licitĂ© se souvient de lui et a peur Ă son retour. NĂ©anmoins, en raison « dâapparence cossue » (12), FĂ©licitĂ© le pardonne et devient entichĂ©e. On peut voir ces nouveaux sentiments en comparaison avec la façon dont Flaubert dĂ©crit tous les personnages qui les entoure lors de leur deuxiĂšme rencontre. Flaubert passe « brutalement » de la description Ă lâutilisation du symbolisme de la nature (« Le vent Ă©tait mou, les Ă©toiles brillaient⊠» [13]) pour dĂ©peindre ThĂ©odore comme son premier objet de dĂ©sir. Heep reproche cette explication de Stirling Haig que « âLoulou like ThĂ©odore and all the other objects of FĂ©licitĂ©âs affection, is truly a divine giftâ » (citĂ© par Heep 72); en revanche, le nom « ThĂ©odore » veut mĂȘme dire « un don de Dieu » (« Theodore », Dictionary.com). GrĂące Ă cette dĂ©finition, on peut conclure que FĂ©licitĂ© considĂšre en effet que ThĂ©odore porte le mĂȘme pouvoir de Dieu. Le nom de ThĂ©odore illustre tout seul sa dĂ©votion. Cela implique quâelle croit que sa piĂ©tĂ© envers ThĂ©odore lui assurera une bonne moralitĂ©.
De mĂȘme, FĂ©licitĂ© est capable dâavoir une dĂ©votion totale envers ThĂ©odore parce quâelle lui promet indirectement de lui donner sa chastetĂ© aprĂšs quâ« il proposa de lâĂ©pouser. Elle hĂ©sitait Ă le croire. Il fit de grands serments » (Flaubert, 14). Ici, Heep remarque que « FĂ©licitĂ© develops a moral sense far superior to ThĂ©odoreâs » parce que « FĂ©licitĂ©âs interest in sex decreases at the moment of ThĂ©odoreâs sexual arousal. In other words, FĂ©licitĂ© becomes more of a degendered saint, while ThĂ©odore is seen as a sex-hungry animal » (73). Il est Ă©vident que FĂ©licitĂ© comprend ce que signifie la consommation du mariage. Flaubert utilise encore le symbolisme de la nature pour montrer quâ« Elle nâeÌtait pas innocente aÌ la manieÌre des demoiselles, â les animaux lâavaient instruite ; â mais la raison et lâinstinct de lâhonneur lâempĂȘchĂšrent de faillir » (14). Cependant, lâĂ©crit Heep : « her moral system does not allow for her to degrade herself in the same way » (73). En revanche, « [c]ette rĂ©sistance exaspĂ©ra lâamour de ThĂ©odore, si bien que pour le satisfaire (ou naĂŻvement peut-ĂȘtre) » (Flaubert, 14). Il faut aussi remarquer quâon peut voir la piĂ©tĂ© de FĂ©licitĂ© envers lui Ă travers la description indirecte quand « elle courut vers lâamoureux » (14). Il ne serait pas naĂŻf de croire quâune partie de la raison pour laquelle il lâa rejetĂ©e est le fait quâelle nâavait plus rien Ă lui offrir. Bref, le bonheur potentiel devient une expĂ©rience traumatisante (Heep 72) qui fait que son chemin commence vers la mort mais aussi vers lâillumination sainte.
Victor
Il faut en venir maintenant Ă lâexemple suivant oĂč FĂ©licitĂ© se sent pieuse, mais cette fois-ci, il sâagit de lâamour maternel. Il faut comprendre que la perte soudaine de tout lâamour maternel fidĂšle de FĂ©licitĂ© contribue Ă sa disparition ultime et son image finale de Loulou.
Similairement Ă la situation de ThĂ©odore, on peut contester quâelle se consacre toujours Ă Victor parce quâelle est prĂȘte Ă faire quoi que ce soit pour le rendre heureux comme une vraie mĂšre mĂȘme si Victor est son neveu et non pas son fils : « Au premier coup des vĂȘpres, elle le [Victor] rĂ©veillait, brossait son pantalon, nouait sa cravate, et se rendait Ă lâĂ©glise, appuyĂ©e sur son bras dans un orgueil maternel » (Flaubert 29). Que Flaubert exprime directement ce sentiment, Heep le dĂ©finit davantage comme une relation du devoir, de la joie maternelle, de la responsabilitĂ©, et du soutien (73). En outre, Kris Vassilev dĂ©crit plus profondĂ©ment que « [l]e bonheur que FĂ©licitĂ© Ă©prouve auprĂšs de son neveu est en effet dâautant plus intense, quâil lui permet de rallier la religion aÌ ce quâelle croit dĂ©sormais ĂȘtre sa propre famille » (94). Heep Ă©tablit une idĂ©e complĂ©mentaire qui dĂ©montre que la dĂ©votion de FĂ©licitĂ© est sur le mĂȘme plan comme lâune dĂ©crite dans la Bible : « The death of her nephew represents the archetypical situation of Mary loosing [sic] her son » (73). Ă part cette analyse sĂ©miotique de sa piĂ©tĂ©, ses actions identifient bien son niveau dâengagement. ConsidĂ©rons tout dâabord aussi la scĂšne parallĂšle oĂč FĂ©licitĂ© courut pour essayer de voir Victor avant son dĂ©part pour la Havane. Cette scĂšne reflĂšte le moment oĂč FĂ©licitĂ© poursuit ThĂ©odore de la mĂȘme façon lorsquâil part avec sa nouvelle femme. Cette action de FĂ©licitĂ© dâaller physiquement vers ses objets de dĂ©sir dĂ©peint encore et encore sa dĂ©votion absolue. En fait, Vassilev suggĂšre que sa piĂ©tĂ© envers Victor est « dâune des plus grandes dĂ©ceptions dans la vie de FĂ©licitĂ© » (94) parce que les parents de Victor « le chargeaient toujours dâen tirer quelque chose [âŠ]. Il apportait ses nippes Ă raccommoder ; et elle acceptait cette besogne, heureuse dâune occasion qui le forçait Ă revenir » (Flaubert 29). Ici, Flaubert montre encore sans dĂ©tours que FĂ©licitĂ© se consacre totalement Ă son objet de dĂ©sir par le seul moyen quâelle possĂšde : le travail. Victor lâexploite. Le fait quâelle se plaĂźt Ă le faire ne fait que renforcer sa progression vers la saintetĂ©. Winifred Woodhall affirme que la principale raison pour laquelle on compatit Ă FĂ©licitĂ© se trouve ici. On est Ă©mu par son dĂ©vouement sans rien attendre en Ă©change (153-154). Cet attachement religieux et cette illusion de lâintimitĂ© se juxtaposent Ă la sĂ©paration, au sens propre et sens figurĂ©, que FĂ©licitĂ© ressent juste avant la dĂ©couverte du dĂ©cĂšs de Victor. Cela prĂ©sage le rĂŽle et lâimportance de son dernier objet de dĂ©sir, Loulou, au moment de son dĂ©cĂšs.
Cette idĂ©e peut se confirmer lorsque FĂ©licitĂ© rate ce qui aurait Ă©tĂ© sa derniĂšre rencontre avec Victor. Vassilev indique que cette scĂšne est dâune « mĂ©taphore de la privation » (95). Il soutient que la nuit est un « indice prĂ©monitoire de la perte et de la confusion » parce quâelle perd lâattachement Ă son neveu et « quâelle subit une premiĂšre vision mystique, analogue Ă celle sur laquelle se clĂŽt le conte » (95). Quand FĂ©licitĂ© arrive au bord du quai afin de lui dire adieu et elle comprend quâil est trop tard, « puis le terrain sâabaissa, des lumiĂšres sâentrecroisĂšrent, et elle se crut folle, en apercevant des chevaux dans le ciel » (30). Vassilev dĂ©clare quâil y a deux Ă©lĂ©ments ici qui rapprochent Ă la fin avec Loulou : dâabord « lâemploi du verbe âcroireâ » et ensuite « cette ouverture dans le ciel quâentrevoit FĂ©licitĂ© Ă lâheure de son dĂ©lire suprĂȘme » (95). Cependant, Flaubert annonce Ă©galement sa mort consacrĂ©e Ă un autre objet de dĂ©sir, comme Loulou, Ă force dâexposer respectivement les diffĂ©rences de la description de FĂ©licitĂ© dans ses derniers moments avec ces deux. Lorsquâelle le regarde sâen aller, il sâagit du contraire dâune piĂ©tĂ© religieuse. En fait, FĂ©licitĂ© « âŠvoulut recommander Ă Dieu ce quâelle chĂ©rissait le plus ; et elle pria longtemps, debout, la face baignĂ©e de pleurs, les yeux vers les nuages » (31). Vassilev explique que « Cette touchante preuve de piĂ©tĂ© » juxtapose « lâimage inversĂ©e dâune FĂ©licitĂ© profĂ©rant ses priĂšres agenouillĂ©e devant le perroquet empaillĂ© » (95). Ceci prouve bien quâil ait fallu que Flaubert rĂ©tablisse la dĂ©votion religieuse de FĂ©licitĂ© aux objets de dĂ©sir avant sa disparition, ce quâil fait Ă travers Loulou, la figure la plus importante pour FĂ©licitĂ©.
Loulou
En guise de conclusion, il faudrait examiner le rĂŽle du perroquet Loulou, le personnage le plus important dans le rĂ©cit et aux yeux de FĂ©licitĂ©. Loulou nâest pas seulement un objet de dĂ©sir pour FĂ©licitĂ©, mais aussi un objet qui lâaide Ă gĂ©rer sa rĂ©alitĂ© difficile. En raison de la rĂ©pĂ©tition de lâamour et de la perte parmi ses autres objets de dĂ©sir tout du long du rĂ©cit, ces relations ratĂ©es la prĂ©parent et la conduisent Ă avoir une relation parfaite avec Loulou. Avant lui, toutes ses autres relations sont Ă sens unique. ThĂ©odore la quitte, Victor meurt, et Madame Aubain est Ă©gocentrique (Heep 73-74). Ainsi, il nâest pas surprenant que Loulou devienne « presque un fils, un amoureux » (Flaubert, 46) parce que Flaubert guide soigneusement le lecteur vers le rĂŽle nĂ©cessaire de Loulou compte tenu de la progression des autres objets de dĂ©sir. Le dĂ©but sexuel de la relation entre FĂ©licitĂ© et ThĂ©odore implique la reproduction ; pourtant, ils nâont pas dâenfant. Puis, elle rencontre son neveu Victor et sâoccupe de lui comme si câĂ©tait son propre enfant. En fait, on prĂ©sume que Loulou naĂźt au mĂȘme endroit oĂč Victor meurt : Ă la Havane. Alors FĂ©licitĂ© et le lecteur peuvent rĂ©assigner leurs sentiments de Victor Ă Loulou (Heep 75). Ensuite, FĂ©licitĂ© devient Ă©galement la gardienne de la propriĂ©tĂ© aprĂšs le dĂ©cĂšs de Madame Aubain. Loulou complĂšte le cycle du dĂ©sir de FĂ©licitĂ© en lui donnant tout ce quâelle nâa jamais pu tirer de ses autres relations : un amant et un fils. Parce quâil est un animal domestique qui compte sur elle pour survivre, il devient une projection de ses dĂ©sirs. Woodhall explique de façon dĂ©taillĂ©e quâil faut sây attendre, car aucune des relations de FĂ©licitĂ© ne correspond ni exactement Ă la dĂ©finition dâun lien « naturel » ni Ă la dĂ©finition dâun lien « normal » (152). Les deux autres relations ne sont pas conventionnelles et elles sont mĂȘme ternies parce quâelles sâĂ©cartent des valeurs maternelles et conjugales. TheÌodore la deÌvalorise aÌ force dâessayer de la violer et Victor lâexploite â il nâest mĂȘme pas son propre fils. Elle continue aÌ souligner que bien que Loulou ne soit pas un objet « naturel » de deÌsir, puisquâil nâest pas humain, il a suffisamment de caracteÌristiques humaines telles que son imitation du discours humain pour quâelle sâentiche. Loulou devient donc lâobjet du dĂ©sir le plus magnifique et est le plus grotesque de FĂ©licitĂ© (Woodhall 152). En outre, Ingrid Stipa montre comment Loulou utilise ses caracteÌristiques comme moyen dâavoir une relation parfaite avec FeÌliciteÌ : « Loulou negotiates the distance between self and other more effectively than any of FeÌliciteÌâs former love objects » (623) car ils deÌpendent lâun de lâautre de manieÌre eÌgale et possĂšdent un lien plus profond que les autres objets de dĂ©sir. La force de ce lien est illustrĂ©e par la façon dont leur langage corporel reflĂšte celui de lâautre quand « les grandes ailes du bonnet et les ailes de lâoiseau freÌmissaient ensemble » (Flaubert, 46). Ils creÌent eÌgalement des liens quand elle lâenseigne aÌ parler ; par conseÌquent, Loulou produira le seul son quâelle pourra entendre apreÌs eÌtre devenue sourde : « Un seul bruit arrivait maintenant aÌ ses oreilles, la voix du perroquet » (46). Stipa eÌtablit que ces exemples dâintimiteÌ Â« consitute moments of perfect communion unequaled in previous relationships » (623). Pour cette raison, le lecteur preÌvoit un dernier objet de deÌsir qui ressemble aÌ Loulou.
Cette intersection du monde mateÌriel et meÌtaphysique sâintensifie par lâintermeÌdiaire du roÌle de Loulou qui transforme dâun objet habituel de deÌsir en une icoÌne religieuse. Aussi FeÌliciteÌ se conduit-elle aÌ sa propre saintetĂ© et aÌ sa disparition parce quâelle abandonne pour lui sa place dans le monde physique. On peut voir cette transformation apreÌs quâelle lâa fait empailler. Bien quâelle ait dâautres objets qui lâaident aÌ accepter le deÌceÌs des membres de sa famille et aÌ se souvenir dâeux, ce nâest pas pareil. Avec Loulou, FĂ©licite a la possibiliteÌ de garder sa compagnie omnipreÌsente pour toujours et de ne plus sâinquieÌter sâil la quittera encore aÌ lâinstar des autres. On ne peut conserver que les souvenirs dâune personne deÌceÌdeÌe puisquâil est interdit pour la plupart de garder le corps dâun cadavre humain. Pourtant, on peut conserver le corps dâun oiseau empaillĂ©. De cette manieÌre, FeÌliciteÌ peut maintenir Loulou « en vie ».
Loulou devient son monde entier. Par conseÌquent, il existe beaucoup de discours critique sur lâideÌe que FeÌliciteÌ meÌlange Loulou avec le Saint-Esprit ; toutefois, tout au long du reÌcit, FeÌliciteÌ porte « ...cette attitude obstineÌe vis-aÌ-vis dâune religion dont la signifiance lui eÌchappe » (Vassilev 98) jusquâaÌ ce que Loulou se preÌsente aÌ elle. Stipa explique que Flaubert preÌdit que Loulou se transformera en Saint-Esprit quand elle lâaura exposeÌ dans sa chapelle dans lâarmoire (624) car lorsquâelle va aÌ lâeÌglise, elle ne songe quâau perroquet alors meÌme quâelle « contemplait toujours le Saint Esprit » (Flaubert 50). Elle conclut que leurs images commencent aÌ se ressembler lors de la description de Notre-Seigneur : « Avec ses ailes de pourpre et son corps dâeÌmeraude, câeÌtait vraiment le portrait de Loulou » (50). En revanche, toujours FeÌliciteÌ avait- elle des difficulteÌs « aÌ imaginer sa personne ; car il nâeÌtait pas seulement oiseau, mais encore un feu, et dâautres fois un souffle » (26). Il est donc neÌcessaire pour elle, comme toujours dans sa vie, dâavoir un objet concret pour comprendre. AÌ ce moment-laÌ, il sâagit de Loulou. En fait, il est eÌvident que FeÌliciteÌ les distingue quand « [e]lle lâenferma [Loulou] dans sa chambre » (49). Selon Vassiley, « Loulou, transformeÌ en catalyseur de la croyance, apparaiÌt ainsi dans un univers clos » (100), il sâagit dâ« une conception âmoderneâ de la croyance, soit une croyance autarcique, sâautorisant de son propre rapport aÌ la transcendance » (100). Il ne faut donc pas quâon interpreÌte Loulou comme un symbole strictement religieux et chreÌtien parce que les conforts de FeÌliciteÌ sont des choses quâon peut seulement trouver dans le monde physique. DeÌs la mort de FeÌliciteÌ, Loulou nâest plus important puisquâil va finir de se deÌcomposer : « The parrot only serves as a means for FeÌlicteÌ to achieve satifaction » (Heep 76). Il nâest plus beau comme on lâavait dĂ©crit auparavant parce que FĂ©licitĂ© nâest plus lĂ pour continuer Ă le voir ainsi. En consĂ©quence, Loulou fait terminer le cycle de la sainteteÌ totale et la disparition de FeÌliciteÌ car il nây a aucune implication quâelle ne voit rien dâautre que Loulou dans sa vision finale : « Quand elle exhala son dernier souffle, elle crut voir, dans les cieux entrouverts, un perroquet gigantesque, planant au-dessus de sa teÌte » (Flaubert, 57). DâapreÌs Myra Jehlen, « Her final vision, enthroning the stuffed rotting parrot instead of the insubstantial Holy Spirit, makes Loulou an apotheosis, but not an incarnation. In his own, once magnificent, now shredding self, he is the final destination of Feliciteâs love, not a stand-in » (90). AÌ la fin, cette dernieÌre description nâillustre pas le Saint-Esprit parce quâelle utilise des objets concrets afin de sâen sortir. Câest la raison pour laquelle elle voit Loulou avant de mourir. Elle nâest pas confuse lors de ce reÌve. Rien ne suggeÌre quâelle pense voir le Saint-Esprit comme un perroquet, elle va simplement aÌ lâobjet qui lui a donneÌ sa propre feÌliciteÌ.
Conclusion
Pour conclure, quoique la dĂ©votion de FĂ©licitĂ© sâaccroisse et reflĂšte la croyance religieuse avec chaque nouvel objet de dĂ©sir, elle adopte une toute nouvelle signification avec lâintroduction de Loulou. Flaubert a utilisĂ© un ton ironique pour transformer la dĂ©finition du mot « dĂ©votion » afin de reflĂ©ter le mĂȘme niveau de croyance que la plupart des gens nâassociaient quâĂ la religion Ă lâĂ©poque afin dâen Ă©clairer lâambiguĂŻtĂ©. Câest ce que reprĂ©sente Loulou, et pourquoi FĂ©licitĂ© atteint la transcendance en dehors de lâinfluence de la religion. Toutefois, cela nâaurait pas Ă©tĂ© possible sans la prĂ©sence de ThĂ©odore et Victor. Tout cela prouve quâavec chaque objet de dĂ©sir, si FĂ©licitĂ© se rapproche un peu plus de la mort elle trouve son propre bonheur grĂące Ă non seulement lâintĂ©gritĂ© et la saintetĂ© mais aussi lâobjet matĂ©riel qui prĂ©serve le souvenir dâun ĂȘtre qui lâaimait.
|