Comment le motif de la dĂ©votion dans le rĂ©cit « Un cƓur simple » conduit-il Ă  la disparition et la saintetĂ© de FĂ©licitĂ© ?

Malaena Caldwell, Oakland University

Malaena Caldwell graduated from Oakland University in 2022 with a Bachelor of Arts degree in French Language & Literature and Creative Writing with a Specialty in Literary Nonfiction. After writing this piece as the final paper for one of her French Literature courses, her professor, Dr. Jennifer Law-Sullivan, encouraged her to submit it for publication. Her support helped make this publication possible. Malaena plans to pursue a Master's degree in Creative Writing after teaching English abroad for the academic year. 

Introduction

Le conte « Un cƓur simple » de Gustave Flaubert raconte les luttes internes et externes de la vie difficile de FĂ©licitĂ©. Bien que la qualitĂ© de vie de FĂ©licitĂ© se dĂ©tĂ©riore au fur et Ă  mesure qu’avance le rĂ©cit, son niveau de saintetĂ© augmente parce qu’elle n’abandonne jamais sa piĂ©tĂ©. Ce qui conduit finalement Ă  sa transcendance. Cependant, il ne s’agit pas d’une signification religieuse comme la plupart des critiques s’y attendent, mais plutĂŽt d’un commentaire ironique sur celle-ci. MĂȘme s’il est gĂ©nĂ©ralement admis que ThĂ©odore et Victor reprĂ©sentent le PĂšre et le Fils, cela ne signifie pas que Loulou symbolise nĂ©cessairement le Saint-Esprit (Jehlen 86). Par consĂ©quent, l’objectif de cette intervention est de se concentrer sur la maniĂšre dont tous les personnages, qui sont un objet de dĂ©sir de FĂ©licitĂ©, facilitent sa disparition Ă  travers une analyse du rapport rĂ©pĂ©tĂ© entre sa piĂ©tĂ© et ses Ă©preuves. Donc, de cette maniĂšre, les objets de dĂ©sir ne signifient pas la sexualitĂ© (Heep 71), mais plutĂŽt quelque chose qui se fait cher sous toutes formes. Loulou est dans une catĂ©gorie indĂ©pendante de ThĂ©odore et Victor parce qu’il la comble enfin comme ils n’ont jamais pu, ou mĂȘme essayĂ©, de faire. 

Enfin, mon analyse se divisera en trois parties sur les personnages les plus significatifs pour FĂ©licitĂ© : ThĂ©odore, Victor, et le perroquet Loulou. Avec cette formule, on verra comment Flaubert amĂšne progressivement le lecteur Ă  se prĂ©parer Ă  un personnage atypique comme Loulou pour que FĂ©licitĂ© puisse atteindre sa saintetĂ©. 

Theodore

D’abord, il est nĂ©cessaire d’examiner la relation avec ThĂ©odore parce que, mĂȘme si cette relation se dĂ©roule trĂšs rapidement dans le conte, elle reprĂ©sente l’un des moments les plus cruciaux de sa vie. Sans ces promesses de fiançailles de la part de ThĂ©odore, FĂ©licitĂ© ni aurait jamais quittĂ© « la ferme, dĂ©clara son intention d’en partir [
] et se rendit Ă  Pont-l’ÉvĂȘque » (15) ni serait jamais devenue la servante de Madame Aubain. Le lecteur sait qu’elle est partie Ă  cause de ThĂ©odore lorsque son « chagrin dĂ©sordonnĂ© » (15) suit immĂ©diatement aprĂšs avoir entendu parler de la vĂ©ritĂ© de son dĂ©part : ThĂ©odore « avait Ă©pousĂ© une vieille femme trĂšs riche... » (14) pour Ă©viter la conscription. Ces sentiments se juxtaposent Ă  ceux de la page prĂ©cĂ©dente, oĂč « l’idĂ©e de servir l’effrayait. Cette couardise fut pour FĂ©licitĂ© une preuve de tendresse » (14). Ce changement rapide de comportement souligne Ă  quel point FĂ©licitĂ© souffre Ă  force de ThĂ©odore. Ses promesses s’avĂšrent n’avoir aucune valeur. Elle quitte par nĂ©cessitĂ©. En tant que femme sans mari, ses ressources afin d’atteindre la mobilitĂ© sociale sont limitĂ©es, surtout aprĂšs la mort de ses parents. Son chagrin la motive Ă  dĂ©mĂ©nager parce que « [
] she had no reason to doubt the capacity of conventional language to authentically mediate thoughts and feelings— not, that is, until ThĂ©odore’s betrayal left her wordless, grief-stricken, moaning » (Stipa 618) tout au long de la nuit. Le dĂ©mĂ©nagement est sa façon de recommencer Ă  zĂ©ro car elle ne croit pas son mensonge. Cette premiĂšre dĂ©ception crĂ©e non seulement un ton sombre mais lui fait Ă©galement installer le travail difficile qu’elle aura pour le reste de sa vie.

D’autre part, chaque aspect de cette interaction renforce sa saintetĂ© car elle se consacre fidĂšlement Ă  lui sans rien faire de moralement condamnable. Dans ce cas, FĂ©licitĂ© associe ThĂ©odore avec un dĂ©sir sexuel ; cependant, ce qui la rend plus pure est le fait qu’elle ne commet jamais la souillure de l’adultĂšre. Bien qu’on puisse soutenir qu’il est impossible qu’une femme se dĂ©voue entiĂšrement Ă  un homme si elle n’a pas de relation sexuelle avec lui, au moins Ă  partir du contexte historique, Ă  cause de la possessivitĂ© envers les femmes Ă  l’époque, c’est toujours une question qui mĂšne l’arc narratif de ThĂ©odore. MĂȘme si cela n’arrive pas explicitement, on peut remarquer cette idĂ©e exacte dĂšs que ThĂ©odore se prĂ©sente d’abord dans le rĂ©cit quand il essaie de violer FĂ©licitĂ© : « Au bord d’un champ d’avoine, il la renversa brutalement. Elle eut peur et se mit Ă  crier » (13). Pourtant, « Il s’éloigna » (13). Dans l’article de Harmut Heep, il affirme que « the issue of rape has conveniently been elided » (72), afin d’ignorer les stĂ©rĂ©otypes de genre nĂ©gatifs que ThĂ©odore renforce par sa brutalitĂ©. Mais, ce n’est pas vrai. L’agression est la raison pour laquelle FĂ©licitĂ© se souvient de lui et a peur Ă  son retour. NĂ©anmoins, en raison « d’apparence cossue » (12), FĂ©licitĂ© le pardonne et devient entichĂ©e. On peut voir ces nouveaux sentiments en comparaison avec la façon dont Flaubert dĂ©crit tous les personnages qui les entoure lors de leur deuxiĂšme rencontre. Flaubert passe « brutalement » de la description Ă  l’utilisation du symbolisme de la nature (« Le vent Ă©tait mou, les Ă©toiles brillaient
 » [13]) pour dĂ©peindre ThĂ©odore comme son premier objet de dĂ©sir. Heep reproche cette explication de Stirling Haig que « ‘Loulou like ThĂ©odore and all the other objects of FĂ©licité’s affection, is truly a divine gift’ » (citĂ© par Heep 72); en revanche, le nom « ThĂ©odore » veut mĂȘme dire « un don de Dieu » (« Theodore », Dictionary.com). GrĂące Ă  cette dĂ©finition, on peut conclure que FĂ©licitĂ© considĂšre en effet que ThĂ©odore porte le mĂȘme pouvoir de Dieu. Le nom de ThĂ©odore illustre tout seul sa dĂ©votion. Cela implique qu’elle croit que sa piĂ©tĂ© envers ThĂ©odore lui assurera une bonne moralitĂ©.

De mĂȘme, FĂ©licitĂ© est capable d’avoir une dĂ©votion totale envers ThĂ©odore parce qu’elle lui promet indirectement de lui donner sa chastetĂ© aprĂšs qu’« il proposa de l’épouser. Elle hĂ©sitait Ă  le croire. Il fit de grands serments » (Flaubert, 14). Ici, Heep remarque que « FĂ©licitĂ© develops a moral sense far superior to ThĂ©odore’s » parce que « FĂ©licité’s interest in sex decreases at the moment of ThĂ©odore’s sexual arousal. In other words, FĂ©licitĂ© becomes more of a degendered saint, while ThĂ©odore is seen as a sex-hungry animal » (73). Il est Ă©vident que FĂ©licitĂ© comprend ce que signifie la consommation du mariage. Flaubert utilise encore le symbolisme de la nature pour montrer qu’« Elle n’était pas innocente à la manière des demoiselles, — les animaux l’avaient instruite ; — mais la raison et l’instinct de l’honneur l’empĂȘchĂšrent de faillir » (14). Cependant, l’écrit Heep : « her moral system does not allow for her to degrade herself in the same way » (73). En revanche, « [c]ette rĂ©sistance exaspĂ©ra l’amour de ThĂ©odore, si bien que pour le satisfaire (ou naĂŻvement peut-ĂȘtre) » (Flaubert, 14). Il faut aussi remarquer qu’on peut voir la piĂ©tĂ© de FĂ©licitĂ© envers lui Ă  travers la description indirecte quand « elle courut vers l’amoureux » (14). Il ne serait pas naĂŻf de croire qu’une partie de la raison pour laquelle il l’a rejetĂ©e est le fait qu’elle n’avait plus rien Ă  lui offrir. Bref, le bonheur potentiel devient une expĂ©rience traumatisante (Heep 72) qui fait que son chemin commence vers la mort mais aussi vers l’illumination sainte. 

Victor

Il faut en venir maintenant Ă  l’exemple suivant oĂč FĂ©licitĂ© se sent pieuse, mais cette fois-ci, il s’agit de l’amour maternel. Il faut comprendre que la perte soudaine de tout l’amour maternel fidĂšle de FĂ©licitĂ© contribue Ă  sa disparition ultime et son image finale de Loulou.

Similairement Ă  la situation de ThĂ©odore, on peut contester qu’elle se consacre toujours Ă  Victor parce qu’elle est prĂȘte Ă  faire quoi que ce soit pour le rendre heureux comme une vraie mĂšre mĂȘme si Victor est son neveu et non pas son fils : « Au premier coup des vĂȘpres, elle le [Victor] rĂ©veillait, brossait son pantalon, nouait sa cravate, et se rendait Ă  l’église, appuyĂ©e sur son bras dans un orgueil maternel » (Flaubert 29). Que Flaubert exprime directement ce sentiment, Heep le dĂ©finit davantage comme une relation du devoir, de la joie maternelle, de la responsabilitĂ©, et du soutien (73). En outre, Kris Vassilev dĂ©crit plus profondĂ©ment que « [l]e bonheur que FĂ©licitĂ© Ă©prouve auprĂšs de son neveu est en effet d’autant plus intense, qu’il lui permet de rallier la religion à ce qu’elle croit dĂ©sormais ĂȘtre sa propre famille » (94). Heep Ă©tablit une idĂ©e complĂ©mentaire qui dĂ©montre que la dĂ©votion de FĂ©licitĂ© est sur le mĂȘme plan comme l’une dĂ©crite dans la Bible : « The death of her nephew represents the archetypical situation of Mary loosing [sic] her son » (73). À part cette analyse sĂ©miotique de sa piĂ©tĂ©, ses actions identifient bien son niveau d’engagement. ConsidĂ©rons tout d’abord aussi la scĂšne parallĂšle oĂč FĂ©licitĂ© courut pour essayer de voir Victor avant son dĂ©part pour la Havane. Cette scĂšne reflĂšte le moment oĂč FĂ©licitĂ© poursuit ThĂ©odore de la mĂȘme façon lorsqu’il part avec sa nouvelle femme. Cette action de FĂ©licitĂ© d’aller physiquement vers ses objets de dĂ©sir dĂ©peint encore et encore sa dĂ©votion absolue. En fait, Vassilev suggĂšre que sa piĂ©tĂ© envers Victor est « d’une des plus grandes dĂ©ceptions dans la vie de FĂ©licitĂ© » (94) parce que les parents de Victor « le chargeaient toujours d’en tirer quelque chose [
]. Il apportait ses nippes Ă  raccommoder ; et elle acceptait cette besogne, heureuse d’une occasion qui le forçait Ă  revenir » (Flaubert 29). Ici, Flaubert montre encore sans dĂ©tours que FĂ©licitĂ© se consacre totalement Ă  son objet de dĂ©sir par le seul moyen qu’elle possĂšde : le travail. Victor l’exploite. Le fait qu’elle se plaĂźt Ă  le faire ne fait que renforcer sa progression vers la saintetĂ©. Winifred Woodhall affirme que la principale raison pour laquelle on compatit Ă  FĂ©licitĂ© se trouve ici. On est Ă©mu par son dĂ©vouement sans rien attendre en Ă©change (153-154). Cet attachement religieux et cette illusion de l’intimitĂ© se juxtaposent Ă  la sĂ©paration, au sens propre et sens figurĂ©, que FĂ©licitĂ© ressent juste avant la dĂ©couverte du dĂ©cĂšs de Victor. Cela prĂ©sage le rĂŽle et l’importance de son dernier objet de dĂ©sir, Loulou, au moment de son dĂ©cĂšs.

Cette idĂ©e peut se confirmer lorsque FĂ©licitĂ© rate ce qui aurait Ă©tĂ© sa derniĂšre rencontre avec Victor. Vassilev indique que cette scĂšne est d’une « mĂ©taphore de la privation » (95). Il soutient que la nuit est un « indice prĂ©monitoire de la perte et de la confusion » parce qu’elle perd l’attachement Ă  son neveu et « qu’elle subit une premiĂšre vision mystique, analogue Ă  celle sur laquelle se clĂŽt le conte » (95). Quand FĂ©licitĂ© arrive au bord du quai afin de lui dire adieu et elle comprend qu’il est trop tard, « puis le terrain s’abaissa, des lumiĂšres s’entrecroisĂšrent, et elle se crut folle, en apercevant des chevaux dans le ciel » (30). Vassilev dĂ©clare qu’il y a deux Ă©lĂ©ments ici qui rapprochent Ă  la fin avec Loulou : d’abord « l’emploi du verbe ‘croire’ » et ensuite « cette ouverture dans le ciel qu’entrevoit FĂ©licitĂ© Ă  l’heure de son dĂ©lire suprĂȘme » (95). Cependant, Flaubert annonce Ă©galement sa mort consacrĂ©e Ă  un autre objet de dĂ©sir, comme Loulou, Ă  force d’exposer respectivement les diffĂ©rences de la description de FĂ©licitĂ© dans ses derniers moments avec ces deux. Lorsqu’elle le regarde s’en aller, il s’agit du contraire d’une piĂ©tĂ© religieuse. En fait, FĂ©licitĂ© « 
voulut recommander Ă  Dieu ce qu’elle chĂ©rissait le plus ; et elle pria longtemps, debout, la face baignĂ©e de pleurs, les yeux vers les nuages » (31). Vassilev explique que « Cette touchante preuve de piĂ©tĂ© » juxtapose « l’image inversĂ©e d’une FĂ©licitĂ© profĂ©rant ses priĂšres agenouillĂ©e devant le perroquet empaillĂ© » (95). Ceci prouve bien qu’il ait fallu que Flaubert rĂ©tablisse la dĂ©votion religieuse de FĂ©licitĂ© aux objets de dĂ©sir avant sa disparition, ce qu’il fait Ă  travers Loulou, la figure la plus importante pour FĂ©licitĂ©.

Loulou

En guise de conclusion, il faudrait examiner le rĂŽle du perroquet Loulou, le personnage le plus important dans le rĂ©cit et aux yeux de FĂ©licitĂ©. Loulou n’est pas seulement un objet de dĂ©sir pour FĂ©licitĂ©, mais aussi un objet qui l’aide Ă  gĂ©rer sa rĂ©alitĂ© difficile. En raison de la rĂ©pĂ©tition de l’amour et de la perte parmi ses autres objets de dĂ©sir tout du long du rĂ©cit, ces relations ratĂ©es la prĂ©parent et la conduisent Ă  avoir une relation parfaite avec Loulou. Avant lui, toutes ses autres relations sont Ă  sens unique. ThĂ©odore la quitte, Victor meurt, et Madame Aubain est Ă©gocentrique (Heep 73-74). Ainsi, il n’est pas surprenant que Loulou devienne « presque un fils, un amoureux » (Flaubert, 46) parce que Flaubert guide soigneusement le lecteur vers le rĂŽle nĂ©cessaire de Loulou compte tenu de la progression des autres objets de dĂ©sir. Le dĂ©but sexuel de la relation entre FĂ©licitĂ© et ThĂ©odore implique la reproduction ; pourtant, ils n’ont pas d’enfant. Puis, elle rencontre son neveu Victor et s’occupe de lui comme si c’était son propre enfant. En fait, on prĂ©sume que Loulou naĂźt au mĂȘme endroit oĂč Victor meurt : Ă  la Havane. Alors FĂ©licitĂ© et le lecteur peuvent rĂ©assigner leurs sentiments de Victor Ă  Loulou (Heep 75). Ensuite, FĂ©licitĂ© devient Ă©galement la gardienne de la propriĂ©tĂ© aprĂšs le dĂ©cĂšs de Madame Aubain. Loulou complĂšte le cycle du dĂ©sir de FĂ©licitĂ© en lui donnant tout ce qu’elle n’a jamais pu tirer de ses autres relations : un amant et un fils. Parce qu’il est un animal domestique qui compte sur elle pour survivre, il devient une projection de ses dĂ©sirs. Woodhall explique de façon dĂ©taillĂ©e qu’il faut s’y attendre, car aucune des relations de FĂ©licitĂ© ne correspond ni exactement Ă  la dĂ©finition d’un lien « naturel » ni Ă  la dĂ©finition d’un lien « normal » (152). Les deux autres relations ne sont pas conventionnelles et elles sont mĂȘme ternies parce qu’elles s’écartent des valeurs maternelles et conjugales. Théodore la dévalorise à force d’essayer de la violer et Victor l’exploite — il n’est mĂȘme pas son propre fils. Elle continue à souligner que bien que Loulou ne soit pas un objet « naturel » de désir, puisqu’il n’est pas humain, il a suffisamment de caractéristiques humaines telles que son imitation du discours humain pour qu’elle s’entiche. Loulou devient donc l’objet du dĂ©sir le plus magnifique et est le plus grotesque de FĂ©licitĂ© (Woodhall 152). En outre, Ingrid Stipa montre comment Loulou utilise ses caractéristiques comme moyen d’avoir une relation parfaite avec Félicité : « Loulou negotiates the distance between self and other more effectively than any of Félicité’s former love objects » (623) car ils dépendent l’un de l’autre de manière égale et possĂšdent un lien plus profond que les autres objets de dĂ©sir. La force de ce lien est illustrĂ©e par la façon dont leur langage corporel reflĂšte celui de l’autre quand « les grandes ailes du bonnet et les ailes de l’oiseau frémissaient ensemble » (Flaubert, 46). Ils créent également des liens quand elle l’enseigne à parler ; par conséquent, Loulou produira le seul son qu’elle pourra entendre après être devenue sourde : « Un seul bruit arrivait maintenant à ses oreilles, la voix du perroquet » (46). Stipa établit que ces exemples d’intimité « consitute moments of perfect communion unequaled in previous relationships » (623). Pour cette raison, le lecteur prévoit un dernier objet de désir qui ressemble à Loulou.

Cette intersection du monde matériel et métaphysique s’intensifie par l’intermédiaire du rôle de Loulou qui transforme d’un objet habituel de désir en une icône religieuse. Aussi Félicité se conduit-elle à sa propre saintetĂ© et à sa disparition parce qu’elle abandonne pour lui sa place dans le monde physique. On peut voir cette transformation après qu’elle l’a fait empailler. Bien qu’elle ait d’autres objets qui l’aident à accepter le décès des membres de sa famille et à se souvenir d’eux, ce n’est pas pareil. Avec Loulou, FĂ©licite a la possibilité de garder sa compagnie omniprésente pour toujours et de ne plus s’inquiéter s’il la quittera encore à l’instar des autres. On ne peut conserver que les souvenirs d’une personne décédée puisqu’il est interdit pour la plupart de garder le corps d’un cadavre humain. Pourtant, on peut conserver le corps d’un oiseau empaillĂ©. De cette manière, Félicité peut maintenir Loulou « en vie ».

Loulou devient son monde entier. Par conséquent, il existe beaucoup de discours critique sur l’idée que Félicité mélange Loulou avec le Saint-Esprit ; toutefois, tout au long du récit, Félicité porte « ...cette attitude obstinée vis-à-vis d’une religion dont la signifiance lui échappe » (Vassilev 98) jusqu’à ce que Loulou se présente à elle. Stipa explique que Flaubert prédit que Loulou se transformera en Saint-Esprit quand elle l’aura exposé dans sa chapelle dans l’armoire (624) car lorsqu’elle va à l’église, elle ne songe qu’au perroquet alors même qu’elle « contemplait toujours le Saint Esprit » (Flaubert 50). Elle conclut que leurs images commencent à se ressembler lors de la description de Notre-Seigneur : « Avec ses ailes de pourpre et son corps d’émeraude, c’était vraiment le portrait de Loulou » (50). En revanche, toujours Félicité avait- elle des difficultés « à imaginer sa personne ; car il n’était pas seulement oiseau, mais encore un feu, et d’autres fois un souffle » (26). Il est donc nécessaire pour elle, comme toujours dans sa vie, d’avoir un objet concret pour comprendre. À ce moment-là, il s’agit de Loulou. En fait, il est évident que Félicité les distingue quand « [e]lle l’enferma [Loulou] dans sa chambre » (49). Selon Vassiley, « Loulou, transformé en catalyseur de la croyance, apparaît ainsi dans un univers clos » (100), il s’agit d’« une conception ‘moderne’ de la croyance, soit une croyance autarcique, s’autorisant de son propre rapport à la transcendance » (100). Il ne faut donc pas qu’on interprète Loulou comme un symbole strictement religieux et chrétien parce que les conforts de Félicité sont des choses qu’on peut seulement trouver dans le monde physique. Dès la mort de Félicité, Loulou n’est plus important puisqu’il va finir de se décomposer : « The parrot only serves as a means for Félicté to achieve satifaction » (Heep 76). Il n’est plus beau comme on l’avait dĂ©crit auparavant parce que FĂ©licitĂ© n’est plus lĂ  pour continuer Ă  le voir ainsi. En consĂ©quence, Loulou fait terminer le cycle de la sainteté totale et la disparition de Félicité car il n’y a aucune implication qu’elle ne voit rien d’autre que Loulou dans sa vision finale : « Quand elle exhala son dernier souffle, elle crut voir, dans les cieux entrouverts, un perroquet gigantesque, planant au-dessus de sa tête » (Flaubert, 57). D’après Myra Jehlen, « Her final vision, enthroning the stuffed rotting parrot instead of the insubstantial Holy Spirit, makes Loulou an apotheosis, but not an incarnation. In his own, once magnificent, now shredding self, he is the final destination of Felicite’s love, not a stand-in » (90). À la fin, cette dernière description n’illustre pas le Saint-Esprit parce qu’elle utilise des objets concrets afin de s’en sortir. C’est la raison pour laquelle elle voit Loulou avant de mourir. Elle n’est pas confuse lors de ce rêve. Rien ne suggère qu’elle pense voir le Saint-Esprit comme un perroquet, elle va simplement à l’objet qui lui a donné sa propre félicité.

Conclusion

Pour conclure, quoique la dĂ©votion de FĂ©licitĂ© s’accroisse et reflĂšte la croyance religieuse avec chaque nouvel objet de dĂ©sir, elle adopte une toute nouvelle signification avec l’introduction de Loulou. Flaubert a utilisĂ© un ton ironique pour transformer la dĂ©finition du mot « dĂ©votion » afin de reflĂ©ter le mĂȘme niveau de croyance que la plupart des gens n’associaient qu’à la religion Ă  l’époque afin d’en Ă©clairer l’ambiguĂŻtĂ©. C’est ce que reprĂ©sente Loulou, et pourquoi FĂ©licitĂ© atteint la transcendance en dehors de l’influence de la religion. Toutefois, cela n’aurait pas Ă©tĂ© possible sans la prĂ©sence de ThĂ©odore et Victor. Tout cela prouve qu’avec chaque objet de dĂ©sir, si FĂ©licitĂ© se rapproche un peu plus de la mort elle trouve son propre bonheur grĂące Ă  non seulement l’intĂ©gritĂ© et la saintetĂ© mais aussi l’objet matĂ©riel qui prĂ©serve le souvenir d’un ĂȘtre qui l’aimait. 

Ouvrages cités

Flaubert, G., & Basuyaux, M. (2017). « Un CƓur Simple. » In Trois contes (pp. 9-57). Paris: Gallimard.

Heep, Hartmut. “Degendering the Other: Objects of Desire in Flaubert’s ‘Un CƓur Simple.’” Dalhousie French Studies , vol. 36, 1996, pp. 69–77. JSTOR,  . Accessed 19 Nov. 2020.

Jehlen, Myra. “FĂ©licitĂ© and the Holy Parrot.” Raritan , vol. 26, no. 4, Raritan: A Quarterly Review, 2007, p. 86–95.

Stipa, Ingrid. “Desire, Repetition and the Imaginary in Flaubert’s ‘Un Coeur Simple.’” Studies in Short Fiction , vol. 31, no. 4, Sept. 1994, pp. 617–626.

“Tłó±đŽÇ»ćŽÇ°ù±đ.”&ČÔČúČő±è;Dictionary.com , Dictionary.com,  . 

Vassilev, Kris. “The Absent Father and the Problem of Belief in ‘A Simple Heart.’”  Nineteenth-Century French Studies , vol. 34, no. 1/2, 2005, pp. 89–106. JSTOR,  . Accessed 30 Oct. 2020.

Woodhull, Winifred. “Configurations of the Family in 'Un Coeur Simple.'” Comparative Literature , vol. 39, no. 2, 1987, pp. 139–161. JSTOR,  . Accessed Oct 30, 2020.